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Faire appel à l’entrepreneuriat pour héberger et soigner nos aînés

 

Ce Point a été préparé par Patrick Déry, analyste en politiques publiques à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’initiative privée permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

 » Il semble que chaque semaine apporte son lot de mauvaises nouvelles sur le système de santé québécois, au point où l’on oublie que certaines de ses composantes fonctionnent plutôt bien. C’est le cas de l’hébergement et des soins pour les aînés, qui sont largement offerts par le secteur privé.

Les résidences privées comptent pour plus des deux tiers des places d’hébergement des aînés au Québec. Elles accueillent des personnes âgées autonomes ou en légère perte d’autonomie. Pour celles pour qui un séjour en résidence n’est pas envisageable en raison de leurs besoins plus importants, l’État subventionne un réseau de centres hospitaliers de longue durée (CHSLD) publics ou privés conventionnés(1), qui représentent le quart du total des places en hébergement(2). Cependant, l’État et le marché répondent bien différemment aux pressions exercées par le vieillissement de la population.

La vague grise

En décembre dernier, le Commissaire à la santé et au bien-être, dans son dernier rapport avant d’être aboli, notait qu’un peu plus de 2400 personnes âgées de 75 ans et plus attendaient une place d’hébergement dans un CHSLD du réseau public. De 2010-2011 à 2016-2017, pendant que la population des 75 ans et plus augmentait de 15 % au Québec, le nombre de lits dans ces établissements passait de 38 394 à 37 468, une diminution de 2,4 %(3).

L’attente moyenne, soit le temps passé sur la liste d’attente depuis la demande d’hébergement, était de dix mois en 2016-2017. Dans certaines régions du Québec, elle peut atteindre 15 mois. C’est considérable quand on sait que la durée moyenne de séjour en CHSLD est de 27 mois(4).

Même si seulement 4,4 % des personnes âgées de 75 ans et plus vivent présentement dans un CHSLD, elles occupent les deux tiers des lits(5). On prévoit que d’ici 2031, la population de cette catégorie d’âge va pratiquement doubler(6). Dans les conditions actuelles, la pénurie de places dans le réseau public va vraisemblablement s’aggraver, surtout que l’État tend à réagir lentement à l’augmentation de la demande de soins(7).

Le portrait est passablement différent dans le secteur privé. Selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement, le nombre de places standards dans les résidences pour personnes âgées du Québec(8) est passé de 90 309 à 93 351 entre 2011 et 2017, avec un taux d’inoccupation moyen de 7,6 % pendant la période. Le nombre de places avec des soins assidus, qui desservent une clientèle requérant au moins une heure et demie de soins par jour, a augmenté encore plus rapidement : il est passé de 3469 à 13 800, et le taux d’inoccupation moyen a été de 5,2 %(9). Cela signifie que, contrairement aux CHSLD du réseau public, le marché des résidences pour personnes âgées s’est ajusté à la demande croissante pour l’hébergement et les soins pour les aînés.

Le Québec est la province qui compte le plus grand nombre de places en hébergement privé pour les personnes âgées en proportion de sa population. Ce marché plus développé s’accompagne aussi des loyers les plus bas au pays(10).

Des études(11) ont montré que, contrairement à certaines fausses perceptions(12), la qualité des soins est élevée dans les résidences privées du Québec, et qu’elle a tendance à s’améliorer au fil des années. Un sondage récent indique que les usagers sont largement satisfaits : le taux de satisfaction générale, qui est de 94 %, grimpe à 98 % en ce qui a trait spécifiquement aux soins(13).

L’entrepreneuriat dans le réseau public

Même à l’intérieur du réseau de CHSLD subventionnés, il est possible de profiter du dynamisme entrepreneurial. En effet, sur les 432 CHSLD financés directement par le gouvernement, 62 sont des établissements privés dits « conventionnés » et sont exploités par des entrepreneurs(14). Ces établissements n’ont pas plus de ressources que les CHSLD gérés par l’État, mais arrivent néanmoins à générer un profit. La clientèle et les coûts d’hébergement sont les mêmes que pour les CHSLD « publics-publics », l’accès se fait par le même guichet régional et les conditions de travail y sont les mêmes. En pratique, du point de vue de l’usager, les CHSLD privés conventionnés sont parfaitement intégrés au réseau public, à deux différences près.

La première est de nature financière. S’il y a des sommes non utilisées dans la partie clinique du financement (celle consacrée aux soins), elles doivent être retournées à l’État. Et, puisqu’il s’agit d’entreprises privées, les CHSLD privés conventionnés paient des taxes et des impôts.

La seconde différence concerne les patients. Une compilation récente de visites d’évaluation du ministère de la Santé effectuées dans près de la moitié des CHSLD du Québec a montré que la qualité des établissements et des soins prodigués était globalement supérieure dans les établissements privés conventionnés. Parmi ces derniers, 70 % avaient été évalués par le ministère comme offrant un milieu de vie « très adéquat », contre seulement 17 % dans les CHSLD entièrement publics. Aucun CHSLD privé conventionné n’a reçu la mention « préoccupant », contre 15 % des CHSLD gérés par l’État(15).

Conclusion

Le dynamisme entrepreneurial répond déjà aux besoins de dizaines de milliers d’aînés hébergés dans les résidences privées du Québec et à la demande croissante pour ces soins. Le gouvernement ne devrait pas hésiter à faire appel à ce même dynamisme en ayant recours aux CHSLD privés conventionnés pour le développement futur du réseau public. Leur succès discret montre comment la logique entrepreneuriale peut procurer de meilleurs soins à un coût moindre pour l’État, tout en préservant leur accessibilité. »

 

Références

1. Les tarifs dans les CHSLD publics et privés conventionnés sont subventionnés. Il est également possible de demander une réduction ou même une exonération de loyer. Voir Régie de l’assurance maladie, Programmes d’aide, Hébergement en établissement public. ​
2. Le restant des places, soit environ 7 %, est composé de CHSLD privés non conventionnés et de ressources intermédiaires et de type familial, qui relèvent elles aussi du secteur privé. Voir Yanick Labrie, L’autre système de santé – Quatre domaines où le secteur privé répond aux besoins des patients, Cahier de recherche, IEDM, 31 mars 2015, p. 9-17.
3. Commissaire à la santé et au bien-être, « Info-Performance : bulletin no 16 – Les personnes de 75 ans et plus en attente d’une place d’hébergement en CHSLD », décembre 2017.
4. Idem.
5. Idem.
6. Au 1er juillet 2017, le Québec comptait 664 000 personnes âgées de 75 ans et plus. On prévoit que ce chiffre grimpera à 1,21 million en 2031. Voir Institut de la statistique du Québec, Le bilan démographique du Québec, Édition 2017, 12 décembre 2017, p. 26; Institut de la statistique du Québec, Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2011-2061, Édition 2014, 9 septembre 2014, p. 111.
7. À titre d’exemple, un nouveau CHSLD de 99 places, annoncé en février 2018, n’ouvrira ses portes qu’en 2022 et n’ajoutera que 16 nouvelles places au total. Voir Gouvernement du Québec, « Nouveau centre d’hébergement et de soins de longue durée à Lac-Mégantic », Communiqué, 19 février 2018.
8. Dans les résidences comptant au moins 50 % de personnes âgées de 65 ans ou plus et ne comptant pas exclusivement des résidents qui reçoivent des soins assidus.
9. Société canadienne d’hypothèques et de logement, Portail de l’information sur le marché de l’habitation, Logement locatif pour personnes âgées; Société canadienne d’habitation et de logement, « Rapport sur les résidences pour personnes âgées, Québec », éditions 2011 à 2017.
10. Société canadienne d’hypothèques et de logement, Portail de l’information sur le marché de l’habitation, Logement locatif pour personnes âgées.
11. Yanick Labrie, op. cit., note 2.
12. Dominique Scali, « Peu de confiance dans les résidences privées », Le Journal de Montréal, 14 septembre 2015.
13. Léger, Étude de satisfaction – Sondage auprès des personnes âgées des résidences membres du RQRA, Sondage effectué pour le compte du RQRA, juin 2017.
14. Demande d’accès à l’information, avril 2018. Ce total n’inclut pas les CHSLD privés non conventionnés qui font l’objet d’une entente d’achat de places par l’État.
15. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Visites ministérielles d’évaluation de la qualité de vie en CHSLD, Bilan statistique national, Période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, juillet 2016. 25 % des CHSLD privés non conventionnés ont été qualifiés de « très adéquats », et 13 % de « préoccupants ».

Source: Institut Économique De Montréal

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